Photographies réalisées en 2025

Depuis plus de quatre ans, je nourrissais un rêve : photographier des pianos abandonnés au Japon. Ce pays, fascinant par ses contrastes entre modernité technologique et traditions immuables, m’appelait silencieusement. En 2025, ce rêve s’est enfin concrétisé. Ce fut, sans aucun doute, l’expérience la plus intense et marquante depuis le début de mon projet Requiem pour pianos.

À travers ce voyage photographique, j’ai traversé une partie du Japon : de Tokyo à Kyoto, en passant par les forêts profondes de Wakayama, les montagnes de la préfecture de Fukushima, jusqu’à l’île volcanique isolée de Hachijō-jima, située à près de 300 km au sud de la capitale. 

 

Ce périple m’a mené à l’intérieur de nombreuses écoles abandonnées, vestiges poignants d’un Japon rural en déclin. Dans ces lieux figés dans le temps, les pianos attendent dans un silence émouvant, autrefois témoins des premiers accords maladroits des enfants. Avec le vieillissement de la population et l’exode vers les grandes villes, de nombreuses écoles de campagne ferment, laissant derrière elles ces instruments devenus orphelins.

J’ai aussi exploré des hôtels abandonnés, dont le célèbre Hôtel Impérial de Hachijō-jima. Construit dans les années 1960 pour accueillir des milliers de touristes, ce lieu de luxe était censé incarner l’essor touristique japonais post-olympique. Mais l’isolement de l’île, le coût du transport et les aléas économiques l’ont lentement mené vers l’oubli. Aujourd’hui, ses salons désertés, ses tapis délavés, et ses pianos Yamaha recouverts de poussière racontent une autre histoire – celle de la disparition silencieuse des lieux de vie.

Le Japon entretient un lien profond avec le piano. Dans de nombreuses familles, posséder un piano (souvent un Yamaha ou un Kawai) est un symbole d’éducation, de culture et de raffinement. Yamaha, marque emblématique née à Hamamatsu, n’est pas qu’un fabricant d’instruments : c’est une institution. Voir ces pianos, parfois parfaitement conservés, laissés à l’abandon dans des lieux désertés, confère une émotion particulière – celle d’un Japon mélancolique, suspendu entre fierté et effacement.

 

Comme pour chacune de mes explorations, je n’ai pas seulement photographié ces pianos : je les ai aussi enregistrés. Le moindre souffle d’air dans une corde, le son étouffé d’un marteau fatigué – chaque bruit est une empreinte sonore. J’ai capté ces dernières respirations d’instruments Yamaha, Kawai et autres marques japonaises emblématiques, afin d’enrichir mon travail visuel par une dimension immersive. Ces enregistrements seront intégrés dans mes installations lors de mes prochaines expositions.

Ce voyage au Japon restera pour moi une expérience fondatrice, une rencontre intime avec la mémoire, la culture, la nature et le silence. J’ai été bouleversé par la beauté fragile de ces lieux, par la manière dont la végétation reprend ses droits, par la lumière douce filtrant à travers les tatamis et les stores japonais.

À travers ces images et ces sons, je vous invite à plonger dans un Japon oublié, majestueux et poétique.
Un Japon qui résonne encore dans le cœur de ses pianos endormis.

© 2014-2025 Romain Thiery, tous droits réservés/reproduction interdite

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